Havana Libre
Le grondement continu des vieilles voitures américaines tisse la trame sonore de la Havane et s’entremêle avec des airs de salsa rayonnant de partout, même des lèvres des gens qui chantent en marchant dans la rue. Les cubains sont heureux et amoureux de la vie, de l’aube à la nuit, leur joie de vivre est contagieuse.
Contrairement à la croyance populaire, je me dis qu’on doit bien manger à Cuba pour trouver aussi facilement le bonheur – qui se traduit ici comme l’art de créer l’abondance avec peu, ou sinon l’essentiel.
Maria, une cubaine merveilleuse chez qui je loge me le confirme. «Tout est parfait, dit-elle en souriant, l’important c’est d’être ensemble! » Ensemble avec sa famille autour d’une petite table à partager un grand repas où chacun participe. Son fils propose à l’apéro son célèbre mojito, ou une cerveza pour accompagner les tostones (plantains frits) qu’a cuisiné son épouse. Sa cousine a apporté une casserole de Ropa Vieja, un terme qui signifie littéralement « vieux vêtements », un ragoût de viandes et de légumes multicolores qui fait penser à des chiffons colorés, d’où le nom. Bien-sûr, on ne saurait servir de repas sans le riz et les frijoles negros des fèves noires en sauce, assaisonnées comme seule une grand-mère cubaine sait le faire.
Si le cœur de Cuba est ancré dans les vraies valeurs, c’est aussi là que l’on retrouve les vraies saveurs, le pays ayant été si longtemps protégé de la commercialisation. En allant au marché, j’ai pu constater l’abondance et la diversité des fruits et légumes cultivés sur l’île. Papayes, mangues, poivrons, tomates, herbes fraîches, yucca, bananes, fruits de la passion, ananas et j’en passe. La qualité des poissons et des viandes est aussi remarquable. Malgré que comme chez nous tout ne soit pas toujours disponible, tout est frais et bio, incluant les œufs qui proviennent de poules en liberté.
En quittant le plus grand marché du quartier, j’ai suivi des arômes de cuisine réconfort qui m’ont conduit à un petit comptoir, une ‘cafétéria cubaine’, où les gens font la file pour commander leur lunch, qu’ils mangent à tour de rôle sur une petite terrasse adjacente. Malgré la taille gargantuesque des portions, j’ai commandé une variété de plats, incluant le poulet façon ropa vieja, un *tamales et du yucca bouilli, en plus du riz et des fèves noires en sauce qui accompagne toujours le repas. Un festin savoureux et abondant qui m’a coûté l’équivalent de trois dollars.
Parfaitement repue et trop fière d’avoir mangé de façon ‘locale’, je hèle un taxi pour me rendre à la vieille Havane. Les odeurs de gazoline côtoient celles des cigares dans le brouhaha chaotique de la Caille L où les vielles Lada défilent côte-à-côte avec les grandes classiques américaines. C’est une Chevrolet Impala impeccable qui s’arrête. « Une 1959 », lance fièrement Lorenzo – sympathique propriétaire de la voiture qu’il n’échangerait pour rien au monde. Il est taximan le jour et barbier le soir, ce qui n’est pas rare pour les cubains qui doivent souvent cumuler plusieurs emplois, les revenus annuels étant encore très bas sur l’île.
En plus des cantines locales, on trouve plusieurs restaurants de tout types de cuisine, cubaine bien-sûr mais aussi italienne, indienne, chinoise, végétarienne, et même russe. La ville abonde aussi de fantastiques petits restos de quartier comme TocaMadera à Miramar, une ambiance et un chef exceptionnels.
Mais La Havane est en pleine effervescence et les jeunes de la relève l’ont bien compris, surtout dans les circonstances actuelles où le pays entreprend son grand virage d’ouverture vers le monde.
On sent bien ce vent de fraîcheur en prenant le brunch au El Café, situé dans un superbe édifice des années de 1920. Ici tout est fait maison, hummus, pain aux bananes, jus de fruits… ils font même leur propre pain au levain, pour leurs délicieux sandwichs. Un concept de plus en plus répandu à la Havane.
Une autre institution phare du changement qui s‘opère à Cuba est la Fabrica de Arte Cubano (FAC), un complexe d’artistique de style Bauhaus où se côtoient des expositions éclectiques, défilés de mode, musique live, des espaces DJ, un resto et des bars à cocktails sur plusieurs terrasses, intérieures et extérieures. L’ambiance donne l’impression d’être à Berlin ou à New York!
– Photo Heidi Hollinger
La nuit, tout vit et bouge à la Havane, et ce en toute sécurité. Il n’est pas rare de trouver des endroits qui sont ouverts 24 heures, comme par exemple le Gallery Bar sur la terrasse arrière du mythique Hotel Nacional, construit en 1930 et qui a vu défiler les grandes personnalités de ce monde. L’endroit parfait pour relaxer et fumer un cigare en fin de journée, avant d’aller faire une promenade sur Le Malecon, la large esplanade de 8 km qui borde la mer. C’est là que les cubains se rencontrent pour discuter, jouer de la musique et profiter de la vie. Je dois avouer que l’ambiance en soirée est assez magique.
On mange bien et on se sent libre à La Havane. La ville est sécuritaire et même en pleine effervescence les cubains restent toujours gentils, professionnels et super attachants. Viva Cuba Libre!
*le tamales cubain diffère de celui que l’on retrouve a Mexique, il s’agit plutôt d’une pâte de farine de maïs et de feuille de maïs grillé, compressé et farci de porc et poivrons.
Photo à la une: @Heidi Hollinger
Cet article est inspiré d’un voyage en compagnie de l’auteure du livre 300 Raisons d’aimer La Havane, publié aux Éditions de l’Homme. Un incontournable pour saisir l’âme de cette ville extraordinaire qui a séduit le coeur de la fabuleuse photographe et auteure Heidi Hollinger. Merci Heidi!